laurence lemaire
l'Oeil et la Plume
la danse balinaise         retour
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Bali est un lieu qui fait réver, un bout de planète au coeur des 17500 iles de l'archipel indonnésien. Bali c'est aussi des rizières en terrasses où croassent les grenouilles, des temples remplit d'offrandes et plus de 1500 gongs Kebyar pour faire danser les esprits, aux sons remaniés pour enchanter les touristes.

A Bali, musique et danse sont indisociables de leur fonction sociale et religieuse. Elles sont la base des divertissements destinés aux dieux, aux démons et aux esprits des ancètres, pour maintenir l'harmonie universelle dans une puissance symbolique spectaculaire. Avec la superposition d'un calendrier lunaire (12 mois de 29 jours) et d'une année religieuse de 210 jours, cérémonies et processions se succèdent sans relâche. Le théatre dansé balinais met en scène le combat de Barong, roi de la forêt, esprit de la nature et de la collectivité, contre Rangda, déèsse de la mort, esprit de la culture et de l'individualisme. Au contraire de l'occident où le bien doit triompher du mal, cet affrontement se solde toujours par un match nul qui doit préserver l'équilibre cosmique et social. Par leurs jeux, danseurs et musiciens livrent combat aux mille et un esprits qui peuplent l'invisible, et à Bali, le monde invisible est plein à craquer. Il est à l'image de ses paysages de rizières en terrasses entièrement déssiné par l'homme. Le temps ne souffle pas un instant de répis, de vide ou de silence. Le temps est habité.

En 1931 les danseurs balinais se sont produit à Paris lors de l'exposition coloniale internationale. Ils étaient accompagnés du Gamelan, orchestre envoûtant par son xylophone aux lamelles métaliques, un clavier géant éclaté par 30 mains le frappant de marteaux ; ses rangées de gongs en bronzes, ses flûtes et percussions rythmaient ce son. Le Gamelan n'est pas joué pour émouvoir mais pour révèler l'espace et le temps ; il requièrent un instinct de groupe, une mémoire collective et sa transmission s'effectue oralement. Pour le monde occidental de 1931, ce fut un choc visuel, émotionnel et spirituel. Les surrealistes s'étaient insurgés contre cette manifestation dans un tract qui recommandait de ne pas visiter cette exposition et ses danses saccadées, fascinantes, ensorcelantes. Seul Antonio Artaud n'en a pas tenu compte et à plusieurs reprises il allat voir les danseurs balinais pour découvrir « la prodigieuse mathématique du théatre dansé, la vision de l'harmonie cosmique par cette gestuelle très stylisée qui impose un corps-instrument. »

En 1998, Catherine Basset, éthno-musicologue qui étudiait à Bali depuis 6 ans, a décidé de créér une revue en réadaptant le programme dansé en 1931. Elle forma une troupe près de Ubud (au nord de l’île) avec les déscendants directs des danseurs de 1931. Ainsi, 67 ans plus tard, les artistes dirigés par le Prince de Péliatan et le Prince du village de Abiambiasé ont présenté un programme stylisé à l'extrème. Amour guerre et séduction furent contés sous forme de jeux, de chants et de danses : un triomphe.

Au sud de l’île, Arma est une école de danse créée la même année par Agung Rai et sa femme Suartini. Ouverte aux touristes curieux, ils ont récement bâti, pour les satisfaire au mieux, un hotel, un restaurant-bar et une galerie de peinture. Suartini est entourée de 40 fillettes de 6 à 12 ans : « Mes élèves apprennent à danser vers 7, 8 ans. Je les entraine à casser leurs poignets et assouplir les doigts. Nous avons des articulations plus souples que celles des occidentaux mais si vous commencez jeune à vous entrainer vous pouvez y arriver. En ce moment je leur apprend "la forme". Elle ne sont pas assez mûres pour comprendre les détails de la danse, les mimiques du visage, les expressions, le sourire et la colère. Je leur enseigne ces détails importants lorsqu’elles ont 14 ans. ». Dans les années 30, la danse Tjak au son des gongs Kebyar était un divertissement villageois ; avec sa frénésie et son exaltation, cette danse pourtant disciplinée raconte des fragments du Ramayana par des solistes éparpillés. Cette spontanéité s'est hélas perdue dans les année 60 pour «bricoler» des scènes folkloriques adaptées aux touristes : de véritables ballets en costumes ont été intégrés au Tjak, rebaptisé Ketjak ou danse des singes. Agung Rai tente d’être «un bricoleur intelligent» : « J'aime profondémént ma culture et les danses balinaises. Lorsque les touristes sont arrivés en masse, j'ai pensé qu'il fallait présenter nos traditions du mieux possible. Des notes explicatives et historiques sont proposées à l’accueil et un Gamelan traditionnel les accompagnent avant nos spectacles. »

Imperturbables à l’invasion touristique, musiciens et danseurs s'entrainent chaque soirs sous le pavillon communautaire de leur village. C’est sans doute là que l’exotisme est le plus déroutant.

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Article commandé par l'école de danse Arma